10 décembre 2006

Sarkozy/Bazin : impossible censure et difficile mesure sur le Web

Le journaliste d'i>Télé Laurent Bazin a fait le récit sur son blog d'un déjeuner "off" avec Nicolas Sarkozy, avant de le retirer à la demande de sa direction. Trop tard, le texte était déjà maintes fois reproduit sur la toile, et son retrait faisait naître la polémique.

Laurent Bazin, présentateur de la matinale sur la chaîne d'information i>Télé, a raconté le 6 septembre sur son blog les détails d'un déjeuner "off " avec Nicolas Sarkozy, Valérie Lecasble, directrice d'i>Télé, et la rédaction de la chaîne. Le journaliste retranscrit les propos échangés, et des mots que le ministre de l'intérieur n'aurait assurément pas prononcé devant un micro allumé. Le lendemain, Laurent Bazin annonce qu'il retire le post de son blog "à la demande de la direction d'i>Télé" qui ne souhaite pas que le contenu de ce déjeuner collectif soit publié, une décision que regrette l'auteur.
Mais le buzz a déjà éclot, le texte a été copié de blog en blog, et l'annonce de son retrait suscite de nombreux commentaires et de nouvelles reproductions. L'éditeur Guy Birenbaum, sur son propre blog, souligne la maladresse et la "méconnaissance totale du net" de la direction d'i>Télé, sans qui le récit de ce déjeuner ne se serait ainsi propagé. Il propose également l'asile politique virtuel à son confrère. Si certains ont rapidement crié à la censure, tels Jean-Marc Morandini sur l'antenne d'Europe1, Laurent Bazin a réfuté le terme dès le lendemain dans une réponse aux diverses réactions. L'ancien reporter affirme qu'il peut écrire ce que bon lui semble, qu'il n'a pas été censuré et que Nicolas Sarkozy n'en a pas fait la demande. Il regrette les conclusions faciles et rapidement tirées, mais constate surtout la spécificité qui fait la puissance d'Internet : "le fait qu'un texte mis en ligne soit immédiatement lu (et conservé...) par des dizaines de personnes, et que le même texte ne puisse être retiré sans que cela se voit et fasse réagir", phénomène que l'auteur considère comme "extrêmement saint".
Le lendemain néanmoins, il s'exprime à nouveau, frappé par de nombreuses critiques lues sur son site et sur d'autres, parlant souvent sans mesure de complot politico-médiatique et dénigrant les journalistes. Tentant de clarifier une polémique qui l'a déjà dépassé, il s'explique quand à la pratique du "off", trop tard, encore.
Les nombreux blogs d'hommes politiques ou les grandes campagnes d'adhésion en ligne menées par le PS et l'UMP avaient témoigné de la puissance du Web comme nouvel outil de communication politique. Au mois de novembre Ségolène Royal subissait les aléas de la propagation virale sur Internet avec une vidéo dans laquelle la candidate socialiste tenait des propos mal accueillis par une partie des syndicats d'enseignants. Fin novembre, l'annonce de la candidature de Nicolas Sarkozy, dont l'exclusivité était donnée à la presse quotidienne régionale, était court-circuitée et diffusée sur Internet. La toile, filée entre les citoyens est, particulièrement pendant cette campagne, une arme entre leurs mains. Est-elle pour autant un outil au service de la démocratie ? Sur son blog, Laurent Bazin appelle au débat, sans tabou. Mais sans contrôle non plus, et l'emballement de la blogosphère ne rend pas justement compte, aux dires du journaliste, de la vérité.


> Laurent Bazin : 'Nicolas Sarkozy dans son assiette'
> Laurent Bazin : 'Petit traité du "off"'
> Guy Birenbaum : 'Lecasble, l'esprit Canal...'
> Echos de l'affaire sur la blogosphère

03 décembre 2006

Sarkozy candidat : trahison d'un secret de Polichinelle

Comment faire de sa candidature, à laquelle Nicolas Sarkozy se prépare depuis 4 ans, un évènement médiatique ? L’échec d’une annonce éventée a suscité la critique mais n’a pas empêché une couverture massive et multimédia.

Depuis 2002, la France savait à quoi pensait Nicolas Sarkozy en se rasant, et "pas seulement". Le président de l’UMP avait annoncé au JT de TF1 du 23 novembre qu'il ferait sa déclaration dans la semaine. L’unique inconnue était donc la forme d’une annonce dont on sait qu’elle peut avoir des conséquences importantes sur le sort des candidats. Les ratés d'Edouard Balladur, de Raymond Barre ou de Lionel Jospin constituent en la matière de funestes précédents. M. Sarkozy a tenu ces derniers jours à maintenir le suspense autour d'une annonce dont il voulait qu'elle soit un acte fondateur, le point de départ d'une nouvelle relation avec les Français, promettant "quelques surprises".
Valérie Giscard d’Estaing avait annoncé sa candidature en 1974 depuis Chamalières, dans le Puy-de-Dôme. En déplacement dans le Pas-de-Calais, Jacques Chirac avait quant à lui accordé en 1994 un entretien au quotidien La Voix du Nord, y ajoutant au dernier moment sa décision de "clarifier la situation". En 2003 c'est en Avignon que le Président de la République se portait officiellement candidat à sa réélection.

Fort de l'expérience de ses aînés, Nicolas Sarkozy et son équipe ont concocté une annonce provinciale et néanmoins spectaculaire : un entretien à six représentants de la presse quotidienne régionale (PQR), répercuté dans 60 titres à un potentiel de 18,5 millions de lecteurs. Les conseillers du président de l'UMP ont attribué au patron de La Montagne, Jean-Pierre Caillard, la paternité de l'idée, soufflée à Brice Hortefeux, principal conseiller de M. Sarkozy et conseiller régional d'Auvergne. Mercredi 29 novembre, le Ministre de l'Intérieur a livré le scoop à Ouest France, l'Est républicain, la Montagne, l'Alsace, la République du Centre et l'Yonne républicaine, au siège de l'UMP. Les journalistes ont rédigé l'interview qu'ils devaient ensuite proposer à l'ensemble des titres de la PQR, et ne pas divulguer avant 2h du matin. L'équipe de communicants de M. Sarkozy était dubitative quant cet embargo. Moins de deux heures après que le ministère de l'intérieur eut envoyé ses corrections, Libération publiait sur son site Internet l'intégralité de l'entretien. En quelques minutes l'annonce était officialisée, sur le Web puis aux journaux de 20h, le jour de l'anniversaire de Jacques Chirac, comme ne le souhaitait pas M. Sarkozy.

Certains grands quotidiens de province n'ont pas apprécié d'avoir été évincés du premier cercle des interviewers et plusieurs éditorialistes ont critiqué des "méthodes cavalières". Le Syndicat national des journalistes a dénoncé cette "opération de communication" et la mutualisation de la propagande organisée, l'intérêt des patrons occultant l'indépendance des titres. Une mascarade autour de ce que beaucoup, tel Gérard Noël de La Liberté de l'Est, considèrent être "un secret de Polichinelle". Les communicants du président de l'UMP se félicitent néanmoins de ce "coup". Malgré les fuites, ou grâce à elles, l'exposition médiatique a été maximale pour le candidat Sarkozy.



Caroline Cartier - "Cartier libre" du 30/11/06, France Inter


> Nicolas Sarkozy : "Ma réponse est oui"
> SNJ - Sarkozy candidat : la PQR tient son "scoop"
> M. Sarkozy, candidat "en exclusivité" dans toute la presse
> Candidature : les mots pour le dire

26 novembre 2006

Les prétendants à l'investiture divisent l'UMP

Pressé par la désignation triomphale de Ségolène Royal au PS, le bureau politique de l'UMP a défini ses modalités d'investiture, mercredi 22 novembre, dans un climat de division que tente de contrôler un Nicolas Sarkozy au statut de candidat naturel disputé.

"La droite est victime de sa propre désunion", affirme le sociologue Michel Wieviorka, "et en six mois, tout peut encore arriver". L'hypothèse d'un deuxième candidat de l'UMP à l'élection présidentielle serait en effet lourde de conséquences. La mobilisation du parti derrière son président est pourtant contestée et l'UMP, sous le feu des projecteurs depuis le vote des militants socialistes, peine à masquer ses divisions.
Michèle Alliot-Marie, sifflée lors du conseil national du parti pour avoir critiqué le processus d'investiture et certaines positions de M. Sarkozy, lui a adressé une lettre, réclamant un débat libre et constructif. Dimanche 20 novembre, M. de Villepin affirmait quant à lui que "rien n'était joué". Lundi, le ministre de la recherche Jean-François Goulard, qualifiait le programme de l'UMP d'attrape-tout et reprochait à M. Sarkozy d'être "incapable d'admettre un avis différent du sien". Mardi, le premier ministre critiquait une nouvelle fois son numéro deux à la tribune du Congrès des maires, dénonçant "le chemin sans issue" de la discrimination positive. En réaction à ces propos et à une contestation jugée illégitime, certains élus, considérant que la "confiance n'existe plus", ont menacé de ne pas voter le budget. Le retour au calme s'est néanmoins imposé. D'après Le Figaro, Jacques Chirac, en recevant chacun des trois rivaux, aurait œuvré en toute discrétion à cet apaisement. M. Sarkozy a rencontré MAM mercredi, avant la réunion du bureau politique au cours duquel il a accepté d'allonger la période de dépôt de candidature jusqu'au 31 décembre. Tous deux ont exprimé leur satisfaction.

Invité du JT de TF1 jeudi soir, Nicolas Sarkozy a précisé qu'il annoncerait la semaine prochaine ce qu'il veut faire et proposer, invitant Michèle Alliot-Marie, Jean-Louis Borloo, Dominique de Villepin et "tous ceux qui pensent avoir quelque chose à dire" à être candidats au vote des militants. Le ministre de la cohésion sociale a indiqué qu'il ne le serait pas, réservant néanmoins sa position définitive à la décision du Parti radical, formation associée à l'UMP et dont il est coprésident. Le Premier Ministre a déclaré qu'il entendait se concentrer sur sa tâche. Sans mandat électif, sans réseau de militants ni soutien parlementaire suffisant, et après le désastre du CPE, Dominique de Villepin pourrait-il faire cavalier seul ? MAM prendra d'ici au 31 décembre la décision de s'engager dans la course à l'investiture, si ses "idées rencontrent un écho non seulement à l'UMP, mais aussi de la part des Français". Très minoritaire selon les sondages, elle jouit d'une bonne réputation auprès de militants, pour beaucoup issus du RPR dont elle fut la dernière présidente, mais ce lien l'empêche de se présenter hors du parti. Serait-elle en train de se rendre indispensable à un éventuel Président Sarkozy ? Prudence est mère de sûreté, le mot-clé "Alliot-Marie" sur Google a été acheté par l'UMP, afin d'afficher des liens publicitaires appelant au soutien de M. Sarkozy…

> Nicolas Baverez & Michel Wieviorka : les candidats, la "nouvelle politique" et le spectre du 21 avril
> Nicolas Sarkozy veut diviser "MAM" et Dominique de Villepin
> UMP : d'autres candidats peuvent-ils émerger face à Nicolas Sarkozy ?
> Pour les blogueurs de l'UMP, Nicolas Sarkozy est déjà le candidat du parti

19 novembre 2006

Ségolène, trop singulière pour une gauche plurielle ?

Désignée candidate du PS pour l'élection présidentielle par un vote largement majoritaire des militants, Ségolène Royal fait face à un nouveau défi : rassembler les forces d'une gauche divisée, et mobiliser un électorat indispensable pour battre la droite en 2007.

Avec 60,60% des suffrages exprimés jeudi 16 novembre, Ségolène Royal a emporté l'adhésion des militants socialistes, dans un élan de bonne augure pour le lancement de sa campagne. Si ces primaires ont été saluées comme un exemple de démocratie, même à droite, les débats ont révélé la fissure qui divise le PS depuis le référendum pour le traité constitutionnel, écho d'une fracture qui éloigne la gauche sociale-démocrate des sensibilités antilibérales, et menace leur éventuelle réunion.
DSK et Laurent Fabius, les deux adversaires de Mme Royal au sein du parti, ont rapidement annoncé leur ralliement, suivis par un certain nombre de personnalités du PS. Dès le lendemain de son investiture, Mme Royal a souhaité "unir toute la gauche dans sa diversité". Le PRG a déjà renoncé à la candidature de Christiane Taubira en échange d'un accord électoral. Jean-Pierre Chevènement, à qui Mme Royal a tendu la main et qui n'exclue ni "retrait" ni "concertation", a salué sa "victoire incontestable", l'invitant à "rebattre les cartes" au PS. Noël Mamère lui a promis le soutien des Verts au deuxième tour, formulant des "exigences" pour un "éventuel contrat de gouvernement". Dominique Voynet, candidate du parti écologiste, a félicité et souhaité bonne chance à Mme Royal, considérant par ailleurs que "les choses ne vont pas être simples".

Le franc succès de Mme Royal ne suscite en effet pas l'espoir pour tous. Certains partisans de M. Fabius expliquent sa défaite par l'arrivée massive de nouveaux adhérents, et il est pour eux "difficile à digérer de voir évoluer le parti comme ça". "Je ne peux pas me rallier, sinon, c'est la fin de la gauche dans le PS", a déclaré Jean-Luc Mélenchon, consterné. Vendredi 17 novembre, le sénateur de l'Essonne montait à la tribune du rassemblement antilibéral à Montpellier. Selon lui, la "transgression" des valeurs du PS par Mme Royal rend "plus compliqué" le rassemblement de la gauche. M. Mélanchon et ses alliés se sont lancés dans un jeu dangereux avec le parti mais misent sur des électeurs qui ont dit non à la Constitution européenne, et qui refusent l'inclinaison au centre du PS. Ovationné par la salle, il a considéré que "l'autre gauche" devait prendre la relève.
Les leaders de cette dernière, chacun briguant la tête du mouvement, ont vivement critiqué la candidate socialiste. Pour le PCF et son secrétaire nationale Marie-George Buffet, "l'alternative à Sarkozy ne peut être une gauche royale". Les communistes ont décidé de réunir leur conseil national pour discuter de la "responsabilité" du parti. Olivier Besancenot, candidat de la LCR, a exprimé ses craintes d'une gauche "sécuritaire et libérale", mais constate l'espace politique laissé à gauche de la gauche. José Bové et Clémentine Autain ont également pronostiqué la présence des antilibéraux au second tour de l'élection présidentielle. Mais selon Frédéric Dabi, de l'institut IFOP, le réflexe du vote utile contre Nicolas Sarkozy constituera un sérieux handicap pour la gauche radicale.


> Les candidats à une candidature antilibérale pour 2007
> 2007 : le PCF ne veut pas céder au veto de ses partenaires antilibéraux
> Les antilibéraux se mobilisent contre la candidature de Ségolène Royal
> A la gauche du PS, l'espoir d'un possible espace électoral

12 novembre 2006

Dieudonné au Bourget : quand la provocation mène au Front

L'humoriste et homme politique Dieudonné M'Bala M'Bala a fait une apparition remarquée, samedi 11 novembre, à la fête "Bleu, Blanc, Rouge" du Front National. Sur le site Internet du comédien, pas d'explication sur sa venue, comme il l'avait annoncée, mais une interview trahissant certaines ambiguïtés.

Dieudonné au Bourget, le 11 novembre, parmi les militants du Front national, dont quelques-uns ont fait comprendre à l'humoriste polémiste qu'il n'était pas le bienvenu à cette convention présidentielle d'extrême droite.Dieudonné s’est invité à la fête du FN au Bourget. Dans les allées de la "convention présidentielle", il a croisé J.-M. Le Pen à qui il a serré la main et avec qui il a échangé quelques mots, avant que le numéro deux du FN Bruno Gollnisch et le secrétaire général du parti Louis Aliot viennent les saluer. "Je suis venu pour voir", a expliqué Dieudonné. Candidat en 2002, retiré de la compétition pour 2007, le comédien a précisé qu'il s'était aussi rendu à la Fête de l'Humanité et que sa visite ne valait pas appel au vote. Entouré du service d'ordre du FN et accompagné par Farid Smahi, membre du bureau politique du parti, Dieudonné a visité quelques stands, dont celui de l'association SOS Enfants d'Irak de la femme de J.-M. Le Pen. "Je n'ai pas besoin de lui, mais s'il me manquait une voix pour être élu, je serais bien content que ce soit la voix de Dieudonné qui arrive", a déclaré le candidat d'extrême droite, jugeant Dieudonné "contestataire, libertaire, révolutionnaire".
L'humoriste a annoncé qu'il préciserait, dès le lendemain, les motivations de sa venue. En effet, la présence de Dieudonné au rassemblement frontiste surprend. Sa candidature contre Marie-France Stirbois aux régionales de 1998 et son combat contre le FN en Eure-et-Loir restent en mémoire, notamment chez certains participants à la fête qui ont exprimé leur mécontentement à son passage. Mais Dieudonné n'est pas à une contradiction près, et le tourbillon médiatique qui l'a emporté depuis 2003 semble le pousser à la provocation, inexorablement.
Sur le site Internet de l'humoriste, les articles concernant sa visite au congrès FN sont surplombé par une photo, qui au survol se change en affiche pour son prochain spectacle au Zénith de Paris. Curieux mélange des genres. Point d'explication encore, elles sont promises pour plus tard, mais une longue interview donnée dans son théâtre.
Les excès du comédien frappent : à propos de l'Histoire, du peuple noir, des associations juives. Il se laisse parfois aller à de dangereuses divagations. Pour lui, les médias servent une propagande politique, et il est identifié comme "l'axe du mal" : "il faut un méchant comme dans un film", et ce n'est "pas le moins bon rôle", dit-il, riant d'avoir battu Le Pen sur ce terrain en 2005. Comme le leader frontiste il condamne les 500 signatures obligatoires, qui ne sont plus anonymes, et le manque de représentation de l'Assemblée. S'adressant aux banlieues : "de toute façon il faut provoquer une révolution, il faut arrêter d'être raisonnable". Ce qui ne signifie pas voter pour la LCR, s'empresse-t-il de préciser. "Ayez de l'imagination !", exhorte-t-il, considérant d'autre part que le PS et l'UMP risquent de ne pas passer le premier tour, qu'il n'y a ni méchant ni gentil et qu'il faut "dédiaboliser les choses".
Dieudonné se considère comme un humaniste, un universaliste. Mais les quelques mots qui vont en ce sens ne suffisent à excuser le reste de ses propos, et la tendance malheureuse que ceux-ci semblent embrasser.

> Dieudonné à la fête de Le Pen après celle de l’Huma
> Dieudonné se confie à La Banlieue S’exprime
> Programme du Front National
> Programme de Dieudonné

06 novembre 2006

Primaires au PS : sondage, piques et ralliements

Les 200 000 adhérents du PS voteront le 16 novembre. A quelques jours du premier tour de scrutin, les candidats se démarquent et recueillent les soutiens.

Selon un sondage réalisé auprès de sympathisants socialistes les 25 et 26 octobre, après le deuxième débat télévisé entre candidats à la candidature, Ségolène Royal reste en tête avec 55 % d'opinion favorable, en hausse de 3 points après une perte de vitesse en octobre. Dominique Strauss-Kahn connaît une forte progression de 11 points, à 40 %, tandis que Laurent Fabius gagne 6 points, à 22 %.

Un sondage dont M. Fabius a minoré la portée : "Je serai vraisemblablement deuxième au premier tour et j'espère être premier au deuxième tour", a déclaré l'ancien premier ministre, ajoutant que "les choses sont en train de bouger dans les profondeurs du PS". Soucieux de se démarquer, M. Fabius a considéré "qu'il commence à être possible d'établir des distinctions", assurant qu'il se garderait de toute "critique personnelle". Visant Mme Royal, il a plaidé pour "une gauche qui ose être de gauche et qui ne fabrique pas une espèce de blairisme régionalisé". Il a par ailleurs rejeté la "remise en cause de la carte scolaire" préconisée par Mme Royal, tout comme le "dynamitage de l'université", reprenant des termes de DSK. D'autres propositions de ce dernier ont été épinglées.

DSK a lui aussi voulu limiter l'impact de sondages "qui ne concernent que les sympathisants" et "ne peuvent prédire le vote des militants". "Chaque jour qui passe, la donne change, il y a un mouvement réel", a-t-il déclaré, faisant part de sa "conviction qu'il peut y avoir un deuxième tour (…) très ouvert". Il a critiqué le programme de M. Fabius qui s'appuie "presque exclusivement sur la décision d'Etat (…), insuffisante (…) aujourd'hui". S'il dit partager avec Mme Royal "le fait de vouloir une rénovation du parti, de la vie politique et du pays", il assure ne pas incarner "la même modernité", considérant que "le flux en sa faveur s'est complètement tari". Se voyant déjà au second tour, il distingue, dans un entretien accordé au journal Le Monde, quatre différences avec sa rivale : la priorité économique et sociale, la cohérence social-démocrate des propositions, une présidence engagée et une société de confiance, critiquant chez elle la prédominance de l'ordre, la stratégie "attrape-tout", l'attentisme et son idée de jurys populaires.

DSK était cette semaine dans le Pas-de-Calais, dont le premier secrétaire de fédération, Serge Janquin, est un de ses récents soutiens. L'ancien ministre de l'économie compte aussi sur celui des jospinistes, à l'instar d'Alain Geismar. Bruno Julliard, président du syndicat étudiant UNEF, s'est dit "assez sensible" au discours de M. Fabius, acceptant son invitation à une réunion publique. Jack Lang a quant à lui annoncé, comme le prédisait la rumeur, son soutien à Ségolène Royal. Assurant faire ce choix avec "force, détermination et engagement", il a expliqué que Mme Royal était la seule "en mesure de l'emporter dès le premier tour du scrutin interne", une victoire qui "lui donnera l'autorité morale, l'élan et la force" pour remporter ensuite l'élection présidentielle.

> Présidentielle: Jack Lang se rallie à Ségolène Royal
> Laurent Fabius dénonce la "pensée de marché" de son rival"
> Laurent Fabius se voit ""vraisemblablement deuxième au premier tour" de la primaire socialiste
> "DSK" promet au Pas-de-Calais "une gauche qui dit la vérité"

29 octobre 2006

Ségolène chahutée : le double impact des sifflets

Sifflée au Zénith lors d'un débat interne du PS, Ségolène Royal est la cible de vives critiques de la part de Laurent Fabius et Domnique Strauss-Kahn, tandis qu'un enregistrement intensifie l'écho de l'évènement sur Internet.

Dans la course à l'investiture, Ségolène Royal était jusqu'à présent protégée des attaques de ses adversaires par une popularité sans cesse confirmée dans les sondages. Elle a fait face, pour la première fois lors du débat organisé le jeudi 26 octobre, à la contestation des militants.
6000 franciliens ont écouté les trois candidats du PS au Zénith de Paris. La présidente de Poitou-Charentes, intervenant entre ses deux camarades, a défendu sa proposition de "jurys de citoyens". Déstabilisée par l'hostilité de ses détracteurs, Mme Royal les a difficilement combattus. Huée par une partie des militants, elle a finalement remercié la salle pour son accueil "chaleureux", l'autre partie la gratifiant d'une standing ovation.

Les débats internes du PS sont interdits aux médias audiovisuels, mais un enregistrement sonore des discours a été mis en ligne, signé du prénom du leader du Mouvement des jeunes socialistes, Razzye Hammadi. S'il a récemment exprimé des désaccords avec la candidate, il n'est assurément pas l'expéditeur du fichier. Une mauvaise blague, donc ? A l'écoute, la captation semble avoir été réalisée près des opposants, dont on entend les réactions. Les nombreux "le projet, le projet, le projet !" et "Laurent, président !" qui ponctuent l'intervention de Mme Royal laissent supposer que l'initiative incombe à un ou plusieurs supporters fabiusiens. De la position qu'occupait la personne qui enregistrait, les sifflets couvrent la voix de Ségolène, exagérant l'effet de contestation, objet depuis de nombreux commentaires.
"Je les prends comme une épreuve supplémentaire qui va m'aguerrir pour la vraie bataille contre la droite", a-t-elle déclaré en quittant le Zénith, regrettant "un risque de divisions et d'affrontements". "On ne peut pas dire d'un côté que les socialistes doivent être rassemblés et se faire siffler dans la salle", a-t-elle ajouté. "On a des témoignages de gens de la section de Sarcelles qui ont reçu une instruction de Camba [Jean-Christophe Cambadélis, proche de Dominique Strauss-Kahn] de siffler Ségolène", a dénoncé son porte-parole, Arnaud Montebourg.

D'autres se sont réjouis du déroulement de la soirée : "il peut arriver à tout le monde de faire une mauvaise intervention. Ne transformons pas un mauvais discours en crise des socialistes", a déclaré DSK. "Il arrive que l'on traverse de mauvaises passes dues à de mauvais sondages ou à des formulations approximatives", a expliqué l'ancien ministre de l'économie, qui dit sentir non plus "un frémissement" mais "un mouvement" en sa faveur. Laurent Fabius considère lui qu'il gagnera "si le débat continue sur le fond". "Evidemment, si c'est essentiellement sur une logique d'apparences, c'est plus compliqué", a-t-il lancé à Ségolène Royal, qu'il accuse de multiplier "toute une série de propositions qui soit ne sont pas dans le projet socialiste soit sont totalement contradictoires".
Les candidats se retrouveront le 7 novembre pour le dernier débat télévisé, deux jours avant un dernier meeting à Toulouse.

> Ségolène veut "plus de respect"
> Ségolène Royal demande à ses concurrents de "calmer leurs troupes"
> Enregistrement du discours de Ségolène Royal au Zénith le 26 octobre
> Lettre ouverte à Razzye Hammadi

22 octobre 2006

Justice et banlieues au cœur du débat présidentiel

A l'automne 2005 éclataient le scandale de l'affaire Outreau et les violences en banlieue. Un an plus tard, le personnel politique célèbre ces deux anniversaires malheureux par la polémique, dans une campagne présidentielle marquée par les questions de justice et de sécurité.

Le premier ministre a assuré, dimanche 22 octobre, que le projet de loi sur la réforme de la justice engagé à la suite de l'affaire Outreau comprendra bien un volet sur la responsabilité des juges. Le garde des sceaux, Pascal Clément, qui avait évoqué un abandon de cette disposition, dit avoir été mal compris. Dominique de Villepin a en revanche reconnu qu'il n'y aurait, faute de consensus, pas de réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Ségolène Royal, le précédant de quelques heures à la Sorbonne, avait accusé le gouvernement de "manquer de courage" et de "manquer à sa parole" en renonçant à des éléments essentiels du projet de loi. Les avocats des acquittés d'Outreau avaient aussi dénoncé cet abandon du gouvernement.

Les étudiants de l'Ecole nationale de la magistrature ont quant à eux fait parvenir à Nicolas Sarkozy et Pascal Clément une lettre ouverte témoignant de leur "inquiétude face aux propos tenus à plusieurs reprises" par le ministre de l'Intérieur. En trois jours, elle a été signée par près de la moitié de la promotion 2006.
Jeudi 19 octobre, M. Sarkozy était invité du journal télévisé de TF1. Il y a fait part de son souhait d'installer des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels et a plaidé pour que toute personne portant atteinte à l’intégrité physique d’une victime fasse de la prison préventive. "Ceux qui ne respectent pas l'uniforme, c'est-à-dire la République, on ne les emmènera pas devant le tribunal correctionnel, mais devant la cour d'assises", a-t-il ajouté. Le Ministre de l'Intérieur désire qu'un mineur récidiviste âgé de 16 à 18 ans soit considéré comme majeur, ainsi qu'une peine plancher pour les multirécidivistes. Dans Le Parisien du lendemain, embarrassant le Ministre de la Justice et animant le débat sécuritaire, il réitérait ces propositions, qui devraient faire partie de son programme électoral.

Tandis que le ton monte, au fil des petites phrases assassines, entre chiraquiens, dont le volubile Président de l'Assemblée Nationale Jean-Louis Debré, et le clan Sarkozy, l'affaire Clearstream met par ailleurs plusieurs personnalités du parti majoritaire divisé sur le devant de la scène juridique. Les juges chargés du dossier ont entendu comme témoins, au cours de la semaine du lundi 16 octobre, l'ancien ministre des Affaires étrangères Michel Barnier, l'ex-directeur de cabinet de Dominique de Villepin aux Affaires étrangères Pierre Vimont ainsi que Jean-Pierre Raffarin. Dominique de Villepin et Michèle Alliot-Marie ont tous deux affirmé vouloir être entendus "le plus vite possible" et le Conseil des ministres a donné son feu vert à l'audition de la ministre de la Défense. Cette convocation intervient alors que se précise le désir de MAM d'être candidate à la présidence de la République, et pourquoi pas de briguer l'investiture de l'UMP face à un Nicolas Sarkozy en position de force. Un avantage que le Ministre de l'Intérieur ne pourra, semble-t-il, conserver qu'au pris d'une intense bataille politique.

> Villepin promet un volet ''responsabilité des juges''
> Interview de Nicolas Sarkozy au JT de 20h de TF1 le 19 octobre
> Raffarin chez les juges
> Affaire Clearstream 2

15 octobre 2006

Présidentielle 2007 : les grands médias comptent aussi sur Internet

L'hebdomadaire Marianne et la radio RTL lancent deux nouveaux sites Internet spécialement dédiés à la campagne et à l'élection présidentielle de 2007.

En une pour le lancement de Marianne2007, un éditorial de Laurent Neumann titré "Réappropriez-vous l'élection présidentielle !". Le journaliste invite les internautes à prendre la parole "quand tant d'autres, experts patentés, médias dominants, intellos autoproclamés, sondeurs, partis politiques, veulent la confisquer". "Il faut dynamiter la bulle médiatico-politique", exhorte l'ambitieux slogan qui accompagne le lancement par le magazine de son site "de combat" consacré à la campagne présidentielle.
L'hebdomadaire a créé un espace distinct, se voulant le carrefour des cyber-débats. L'expérience du référendum sur le traité constitutionnel européen l'a montré : le débat est riche sur la toile, et les lecteurs nombreux. Pas question pour les médias traditionnels de passer à côté de cette audience potentielle, et notamment pour une presse en crise, dont Marianne ne subit néanmoins que peu les effets jusqu'ici. Réactifs et participatifs, les internautes sont exigeants. Pensé en conséquence, Marianne2007 propose une information continue et interactive. Le site est composé des rubriques originales (éditos et blog de la rédaction, tribunes d’intellectuels, fil de dépêches AFP, agenda, revue de presse, résultats des derniers sondages, etc.) et entend donner la parole aux lecteurs avec des forums, commentaires et sondages en ligne. La revue de blogs sera certainement une des rubriques les plus consultées. L'explosion de la blogosphère démultiplie, dans une certaine mesure, le contenu informatif mais le rend aussi plus diffus, éparpillé sur le réseau et pas toujours à la portée du néophyte. La rédaction de Marianne écume les blogs afin de sélectionner, hiérarchiser l'information : exercer le métier de journaliste, qui n'est pas nécessairement celui de tous les bloggeurs. Les blogs entendus comme sources enrichissent par ailleurs le contenu de Marianne2007 avec des articles, billets d'humeur et parfois des images exclusives, vidéo notamment.


RTL, qui avait été la première radio à podcaster, inaugure également un site spécialement conçu pour l'élection présidentielle. RTL2007 se présente comme un journal suivant l'actualité politique en direct, avec des informations en temps réel, un baromètre mensuel, des interviews, portraits, etc. Le site accueille la plume des chroniqueurs-vedettes de la station : Jean-Michel Apatie, Alain Duhamel, Franz-Olivier Giesbert et Serge July. RTL2007 mise aussi sur l'interactivité avec une rubrique Communauté, incluant notamment un chat entre internautes et hommes politiques.

L'auteur du blog Page2007, lui aussi spécialisé dans la thématique présidentielle, se félicite sur son site de l'arrivée des grands médias sur ce créneau, saluant une "concurrence éditoriale" stimulante. Marianne a pris le parti de considérer l'internaute comme un partenaire. L'une comme l'autre des conceptions de cette nouvelle relation entre une publication et ses lecteurs témoignent d'un désir d'information, que les grands médias sont avides de satisfaire.